Par Delà Aman'Thul et Sargeras, Chapitre Soixante deuxième

La nuit ne tombe jamais à Forgefer, se dit Hedvig en arrivant après plusieurs jours de vol. Ou bien il y fait toujours nuit. Sa joue ne saignait plus, il n'y avait même plus de marque. Lancer une pierre sur une Terrestre, pensa t'elle en souriant. Rien n'avait changé, mais elle rasait les murs, n'ayant tout de même pas très envie de finir en prison. La porte de la Chambre était toujours là, mais noircie par les flammes. Elle la poussa. La porte chuta. Il n'y avait plus rien. Les tableaux étaient de cendre. Même les miroirs avaient fondu. Plus d'étoiles, plus de livres. Plus de Lumière, plus de Savoir. Hedvig ramassa une carte à moitié brûlée au sol. Elle sourit.
-Ils ont dit que c'était à cause de la bougie.
Elle se retourna. Tournemille avait un bandeau sur un oeil. Elle ne remarqua pas lequel, perdue dans de sombres idées.
-Mais ce n'est pas vrai, poursuivit-il. Je la surveille, moi, la bougie. Ils m'ont emmené dehors et ils ont... Mis le feu. Je n'ai rien tenté. Comme vous me l'aviez ordonné je... Tout va bien ?
Hedvig riait.
-Non, Tournemille. Tout ne va pas très bien cette fois ci.
Tournemille, resté dans l'embrasure de la porte, regardait la Magissime passer la main sur son bureau calciné.
-Lumière et poussière... Deux choses dont se compose la Gloire... Murmura Hedvig. Elle portait des vêtements sobres, discrets, comme une simple et digne paysanne. Seuls ses cheveux de cuivre brillaient encore, un peu, à la lueur timide des choses qui illuminent la nuit éternelle de la capitale et qui s'engouffraient par l'ouverture béante que cachait, il y avait un instant encore, la lourde porte. Oiseau, poisson, lionne... Continuait-elle à marmonner.
Tournemille ne riait pas. Il lui demande de lui raconter. Elle raconta. Elle fouillait dans les décombres. Elle ramassait le métal fondu. Elle raconta qu'elle préfèrait la prison à la guerre, mais la fuite à la prison. Que fuire, c'était parfois vaincre. Qu'il y a des batailles qui ne sont pas des guerres, Tournemille ne comprenait pas grand chose. Vous partez, alors, demanda le gardien des clés. Hedvig s'assit sur le fauteuil qui tenait à peine debout.
-Je pars, oui. Nous n'avons plus rien à faire sous terre. (Ici, rajouter. Augmenter)
Hedvig se releva.
-Tournemille. Dites aux uns que je suis morte. Aux autres que je suis en prison. Vous saluerez les anciens membres. Soignez cet oeil, mon vieil ami. Les stigmates sont bons pour les vaincus. C'est un adieu comme ils les aiment, mais nous sommes liés par quelque chose de plus grand qu'eux. N'ayez ni peur ni chagrin.
Tournemille se retira sans mot dire. Hedvig posa ses lunettes sur la table, qui n'était plus que du bois deux fois mort, leva les yeux vers le plafond de la chambre, qui était noir, et lissa le bas de sa chemise, qui était sale. Elle inspira, expira, pris quelques secondes, puis un livre de sa sacoche, et recommença à écrire. "Me revoilà, aujourd'hui, le feu a été allumé. Je suis prête à brûler."
Elle peinait à écrire dans l'ombre, mais elle en faisait partie.
La Prime Titanologue était à nouveau de retour.